Je me promets d’éclatantes revanches – Valentine Goby

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« En 2011, alors que Valentine Goby envisage de se lancer dans l’écriture de son roman Kinderzimmer, une rescapée des camps lui conseille la lecture de l’oeuvre de Charlotte Delbo. De cette femme née en 1913, sympathisante communiste, résistante, déportée politique, survivante d’Auschwitz-Birkenau et de Ravensbrück, Valentine Goby n’a jamais entendu parler. Pourtant, la découverte de son œuvre est une révélation. Bientôt, la poétesse devient pour elle un point de repère, une compagne de route. C’est elle qui lui permet d’entrer à Auschwitz par la puissance de la langue, rendant son entreprise d’écrire une fiction sur les camps acceptable, légitime. C’est elle aussi qui lui révèle qu’il est possible de quitter Auschwitz par l’écriture. Dans cet hommage vibrant à la littérature et à la force du langage, Valentine Goby sonde et explore les mots de celle qui, comme elle et ses personnages, a choisi de préférer la vie. »

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J’ai découvert Valentine Goby et Charlotte Delbo l’an dernier. Valentine Goby était invitée à la bibliothèque dans laquelle je travaille aujourd’hui pour parler de Charlotte Delbo. Je devais passer le temps de faire une petite photo (mon ancien boulot) mais j’ai été cueillie. Je me suis assise et je suis restée sagement jusqu’à la fin écouter cette passionnante conteuse.

Valentine Goby est écrivaine. En faisant des recherches pour son roman Kinderzimmer, elle découvre Charlotte Delbo, rescapée d’Auschwitz-Birkenau et de Ravensbrück, qui a écrit sur les camps. Valentine Goby raconte dans Je me promets d’éclatantes revanches être, grâce à Charlotte Delbo, « entrée dans les camps par la langue ». Charlotte Delbo, assistante de Louis Jouvet a perdu son mari, fusillé au Mont Valérien en 1942. Elle-même a été envoyée à Auschwitz par le convoi du 24 janvier 1943. Et en quittant les camps, elle a choisi de raconter. Avec ses mots. Ses mots simples et percutants.

Lors de cette rencontre passionnante, Valentine Goby explique que Charlotte Delbo savait utiliser les mots. Les mots les plus simples pour raconter « l’indiscible ». J’ai été particulièrement marquée par ce qu’elle a raconté sur le rôle de l’écrivain, qui ne doit pas affirmer qu’untel est en colère, ou qu’untel est heureux. Il doit apporter au lecteur les informations qui lui feront sentir la colère ou la joie.

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Dans Je me promets d’éclatantes revanches, Valentine Goby raconte comment Charlotte Delbo a parlé de la soif et comment en la lisant, le lecteur fait l’expérience de la soif. Elle nous avait lu ce passage lors de la rencontre et je ne suis pas prête de l’oublier.

Ce livre de Valentine Goby raconte cette femme qu’elle n’a pas rencontrée, mais qu’elle connaît intimement, grâce à ses mots.  Charlotte Delbo écrit : la vie m’a été rendue et je suis là devant la vie comme devant une robe qu’on ne peut plus mettre ». Elle a dû écrire, écrire pour sortir de l’enfermement et écrire pour raconter, témoigner. Elle a choisi la vie. 

Le livre de Valentine Goby est vraiment intéressant, cette Lecture intime de Charlotte Delbo nous fait découvrir cette rescapée et donne évidemment envie de se plonger dans ses livres.

Ma chronique de ce livre sur France Bleu Touraine :

Je peux résister à l’envie de partager avec vous un poème de Charlotte Delbo, Prière aux vivants pour leur pardonner d’être vivants. Je l’ai découvert grâce à Valentine Goby, qui nous en a lu un extrait. Impossible de retenir mes larmes. 

Vous qui passez
bien habillés de tous vos muscles
un vêtement qui vous va bien
qui vous va mal
qui vous va à peu près
vous qui passez
animés d’une vie tumultueuse aux artères
et bien collée au squelette
d’un pas alerte sportif lourdaud
rieurs renfrognés, vous êtes beaux
si quelconques
si quelconquement tout le monde
tellement beaux d’être quelconques
diversement
avec cette vie qui vous empêche
de sentir votre buste qui suit la jambe
votre main au chapeau
votre main sur le cœur
la rotule qui roule doucement au genou
comment vous pardonner d’être vivants…
Vous qui passez
bien habillés de tous vos muscles
comment vous pardonner
ils sont morts tous
vous passez et vous buvez aux terrasses
vous êtes heureux elle vous aime
mauvaise humeur souci d’argent
comment comment
vous pardonner d’être vivants
comment comment
vous ferez-vous pardonner
par ceux-là qui sont morts
pour que vous passiez
bien habillés de tous vos muscles
que vous buviez aux terrasses
que vous soyez plus jeunes chaque printemps

Je vous en supplie
Faites quelque chose
Apprenez un pas
Une danse
Quelque chose qui vous justifie
Qui vous donne le droit
D’être habillés de votre peau de votre poil
Apprenez à marcher et à rire
Parce que ce serait trop bête
A la fin
Que tant soient morts
Et que vous viviez
Sans rien faire de votre vie.

Je reviens
d’au-delà de la connaissance
il faut maintenant désapprendre
je vois bien qu’autrement
je ne pourrais plus vivre.

Et puis
mieux vaut ne pas y croire
à ces histoires
de revenants
plus jamais vous ne dormirez
si jamais vous les croyez
ces spectres revenants
ces revenants
qui reviennent
sans pouvoir même expliquer comment.

Charlotte Delbo

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Je me promets d’éclatantes revanches – Valentine Goby – Babel – 139 pages (mai 2019)

7 réflexions sur “Je me promets d’éclatantes revanches – Valentine Goby

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