Le voyage dans l’Est – Christine Angot

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« Vu l’ancienneté des faits, il sera sans doute compliqué de les faire établir, et vraisemblablement, votre père ne sera pas condamné… – Alors, il y a des faits plus récents, qui ont eu lieu à Nancy, à Nice, à Paris et à Tende, il y a deux ans. Ce serait peut-être plus facile… – Certainement. – Mais j’étais majeure. – Ça reste des viols par ascendant, madame. Et qui ont eu un commencement d’exécution quand vous étiez mineure. Moi, je vais le faire convoquer dans un commissariat de Strasbourg. Il aura une grosse frayeur. Il sera difficile d’apporter les preuves. Il y aura sans doute un non-lieu… »

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Pour préparer la soirée de présentation de la rentrée littéraire à la médiathèque de Ballan-Miré, j’ai lu un certain nombre de romans. Et dans la liste, il y avait Le voyage dans l’Est de Christine Angot, qui a été récompensé par le prix Médicis. Honnêtement, je n’avais pas envie de le lire. Je n’aime pas particulièrement Christine Angot, que ce soit la personne ou ses romans, et j’ai un souvenir assez douloureux de la lecture d’Un amour impossible, un 1er janvier (et bonne année surtout !).

Le voyage dans l’Est fait écho à Un amour impossible, il y est raconté à peu près la même histoire, celle de la relation incestueuse entre Christine Angot et son père. L’emprise de ce dernier.

Si Un amour impossible mettait en avant la relation entre la jeune Christine et sa mère, sourde aux appels à l’aide de sa fille, car tellement sous l’emprise elle aussi de cet homme qui lui a toujours fait comprendre qu’il était tellement au-dessus d’elle, dans Le voyage dans l’Est, il est plutôt question de la relation entre Christine et son père. Son envie à elle d’avoir une relation normale avec un père, son envie à lui de la baiser (désolée, je n’ai pas d’autres mots).

Ce qui est dramatique dans Le voyage dans l’Est, c’est que Christine Angot a parlé, a dénoncé. Mais personne autour d’elle n’a à un moment dit : « OK, ce n’est pas normal, on va voir les flics et ils vont le jeter en prison ». Non, on a fait comme si tout était normal, « Oh, il couche avec sa fille ? Bon, d’accord, tu me passe le sel, s’il-te-plaît ? » On a continué à inviter Christine et son père à la même table et même pire, on a essayé d’avoir la même emprise sur elle – tant qu’à faire.

Le voyage dans l’Est est très dur à lire. L’histoire de Christine Angot est terrible. Son père a réussi à lui donner l’impression qu’elle était amoureuse de lui et que ce qu’ils faisaient n’était que la conséquence normale de leur amour, que c’était beau. Il a réussi à la faire culpabiliser, adulte, d’avoir consenti. C’est une manipulation abjecte.

Mais encore plus difficiles à lire, sont les descriptions de leurs rapports. Crus. Détaillés. J’avais envie de fermer les yeux en lisant, je tendais les bras pour m’éloigner le plus possible de ce livre sordide et profondément triste. Savoir que des pères peuvent détruire ainsi leurs enfants, savoir que d’autres hommes profitent de jeunes filles brisées (cette scène au cinéma m’a donné envie de vomir), ça me fout en l’air.

Cette lecture, que j’ai trouvée extrêmement éprouvante, m’a attendrie vis-à-vis de Christine Angot et de  son histoire, qu’elle couche sur le papier comme une sorte de catharsis, je suppose. Mais lorsque des lecteurs empruntent Le voyage dans l’Est à la bibliothèque, je ne peux pas m’empêcher de les informer que cette histoire pourra les heurter autant qu’elle m’a heurtée, comme un genre de parental advisory, explicit containt.

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Le voyage dans l’Est – Christine Angot – Flammarion – 224 pages (août 2021)

6 réflexions sur “Le voyage dans l’Est – Christine Angot

  1. Ce récit est certes éprouvant à lire mais il est nécessaire pour comprendre que même devenue adulte la fragile femme qu’elle était devenue ne pouvait se sortir de l’emprise de son enfance ! Et à ceux qui répondent que encore et encore on connaît son histoire …, je réponds qu’ici elle se livre comme elle ne sait jamais livrer !

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    • Je vois exactement de quel extrait tu parles. Et si au départ, j’ai été choquée par le fait qu’elle s’en prenne à cette pauvre fille qui ne pensait pas à mail, j’ai compris que c’était sa manière de se protéger. Et oui, tu as raison, quel enfer que sa vie.
      Bises et bises

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      • Je pense que fondamentalement, la grosse différence entre les 2 (pendant la dispute), c’est l’âge auquel elles sont devenues victimes. Être une femme épanouie avant un drame ou devenir une femme avec ce drame en nous, ça change tout, surtout la perception de soi. Et je pense que c’est à cause de ça qu’il y avait eu un clash, alors que les deux sont des victimes. C’est totalement humain…

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  2. Pingback: A / D | Mademoiselle Maeve

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